J’étais l’enfant taiseux
Qui battait en silence
Des cils le pavé bleu
Des cieux de sa naissance
Je voyais des navires
Entre les lignes claires
Des yeux de mon grand-père
Où j’apprenais à lire

J’étais l’enfant conteur
Qui s’inventait des vies
Sur des terrains joueurs
Et des vagues de bruits
J’accostais des récits
Je foulais mon ardoise
Je marchais dans mes phrases
Et jusqu’à aujourd’hui

J’étais l’enfant peuplé
D’une autre multitude
D’amis imaginés
D’heureuse solitude
Épargné par mon âge
J’ignorais tout du mal
Qui peignait sur la toile
Un ciel noir de veuvage

J’étais le petit frère
Qui se voulait unique
Tous les cadets sont fiers
De Gascogne ou d’ Attique
Je lançais bien mes billes
D’un œil qui examine
Les farces consanguines
Qu’on nomme les familles

Je fus l’enfant terrible
Comme l’est chaque enfant
Gonflé de possibles
Barbouillé par le vent
Ça me fouettait les mains
Pour me les faire ouvrir
Ça sifflait dans un rire
Ses airs de grand chemin

Tu crois que je me plains
J’écoute mon enfance
Me dire l’importance
La chance d’être orphelin

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